Cette commission d'enquête parlementaire, dont le président est Arthur Delaporte et la rapporteuse Laure Miller, avait pour ambition de porter le regard sur les effets psychologiques du réseau social TikTok, particulièrement utilisé chez les mineurs. En 2023 déjà, une commission d’enquête sénatoriale s’était penchée sur le réseau social et avait analysé sa stratégie d’influence et de recueil des données.
Ce nouveau rapport sort après six mois de travaux et 178 auditions d’experts, de psychologues, d’influenceurs, de parents et de jeunes. Il dresse un constat alarmant quant à l’utilisation de TikTok par les jeunes adolescents, favorisant l'émergence de phénomènes radicaux et établissant des terreaux fertiles pour d'éventuels processus de radicalisation. Le rapport propose également une liste de 43 recommandations.
Des contenus "toxiques, dangereux, addictifs"
C’est ainsi qu’Arthur Delaporte qualifie les contenus proposés par la plateforme aux jeunes. Ils sont plus de 15 millions en France à l’utiliser, avec 1h47 de temps moyen passé sur le réseau social en 2022. Ces utilisateurs seraient soumis à une quantité astronomique d’images violentes avec des effets psychologiques dévastateurs. Des contenus violents à l’origine de traumatismes, mais aussi des contenus dégradants et dépréciatifs alimentant une mauvaise estime de soi pour de nombreux jeunes. Le rapport note que les jeunes filles seraient particulièrement exposées à ces contenus dégradants tandis que les garçons seraient plus touchés par des contenus racistes, antisémites, sexistes ou masculinistes. Le rapport ajoute que la plateforme « ne se limite pas à accentuer des troubles psychiques existants : elle semble, à elle seule, en favoriser l’émergence ». Dès lors, TikTok favoriserait les phénomènes de passage à l’acte en termes d’automutilation ou de suicide par exemple.
Le principe de « défilement infini » des contenus est lui aussi pointé du doigt parce que favorisant une addiction à la plateforme, en particulier pour les contenus les plus choquants et violents. De même, les effets des « bulles algorithmiques » sont eux aussi dénoncés, empêchant les utilisateurs de visionner des contenus aux points de vue diversifiés et favorisant des prises de position dogmatiques, sans nuance, et parfois complotistes.
Face à ces écueils, la modération de la plateforme est présentée comme « insuffisante, inégale et négligente » par les rapporteurs. En effet, le budget alloué à celle-ci ainsi que les actions entreprises seraient loin d’être à la hauteur des besoins. Le manque de transparence de la plateforme à ce sujet est lui aussi pointé du doigt.
Interdiction et couvre-feu numérique - Les recommandations
Face à ce constat sans équivoque, les rapporteurs dressent une liste de 43 recommandations. Parmi elle, Laure Miller préconise une interdiction d’accès aux réseaux sociaux (incluant TikTok mais pas uniquement) aux mineurs de moins de 15 ans. Notons que le président de la commission d’enquête, Arthur Delaporte, ne se trouve pas en accord avec cette proposition pour sa collègue. Les deux parlementaires se retrouvent cependant sur la nécessité de renforcer le contrôle d’accès aux plateformes selon l’âge.
Pour les jeunes de 15 à 18 ans, le rapport propose l’établissement d’un « couvre-feu numérique » de 22h à 8h afin d’éviter l’utilisation nocturne des réseaux sociaux dont les effets pernicieux sur le développement cognitif des jeunes sont nombreux.
Parmi les autres recommandations, le rapport préconise une interdiction des portables dans les collèges et lycées, tout en insistant sur l'importance de repenser l’utilisation des outils numériques en matière scolaire (les élèves ayant par exemple besoin d’un téléphone ou d’un ordinateur pour accéder à Pronote ou à certains cours). Le rapport recommande aussi de vastes campagnes de sensibilisation sur les effets psychologiques de réseaux sociaux, pour les jeunes, les parents et tout citoyen. Enfin, les rapporteurs préconisent une alliance européenne dans les moyens de régulation à imposer aux plateformes ou encore la limitation d’utilisation de certaines fonctionnalités selon l’âge des utilisateurs, comme le « défilement infini ».