2015-2025 : quels impacts des attentats sur la société ?

Retrouvez l'intervention de Gérôme Truc le 23 avril 2025, pour le collectif "Ensemble, on fait quoi ?"

Le collectif "Ensemble, on fait quoi ?" était heureux d'accueillir Gérôme Truc le 23 avril 2025. Il est sociologue, chargé de recherche au CNRS et Directeur adjoint de l’Institut des Sciences sociales du Politique (ISP). Spécialisé en sociologie morale et politique, ses recherches portent sur les conséquences des attentats, les réactions sociales aux attaques terroristes et les processus de mémorialisation dans les sociétés occidentales. Il est l’auteur de Sidérations, une sociologie des attentats (Puf, 2016) et a dirigé plusieurs ouvrages collectifs sur le sujet, dont Face aux attentats (Puf, 2020). Son dernier ouvrage, publié début 2025 en collaboration avec Fabien Truong, s’intitule Grands ensemble, violence, solidarité et ressentiment dans les quartiers populaires

L'après-attentat : sidération et compassion

Gérôme Truc a commencé par expliquer qu'il a débuté son travail d'étude sur les réactions aux attentats à la suite du 11 septembre 2001. Après les attaques qui ont touché les Etats-Unis, il s'est penché sur les nombreuses marques de compassion apparaissant à travers des lettres envoyées depuis l'Europe et le monde au pays touché. Il remarque que des personnes qui n'étaient pourtant pas directement frappées par ces attaques expriment des réactions de sidération, d'émotions très vives et surtout de compassion. Il parle alors de "paradoxe du concernement" pour des centaines de personnes qui débutent leur lettre par "Je ne vous connaissais pas, mais...". Il explique donc que les attentats suscitent un sentiment d'identification avec les victimes et les familles des victimes, et marque donc émotionnellement les individus et les sociétés.

Les facteurs explicatifs des réactions

Gérôme Truc ajoute que ce sentiment d'identification est d'autant plus fort qu'on se sent proche des victimes et de leur famille. Cette proximité peut être géographique (par rapport à un pays touché, ou bien une ville), culturelle (par rapport à une communauté visée ou encore un événement festif ciblé), ou même professionnel (par rapport aux métiers exercés par une ou plusieurs victimes). Il ajoute que même s'ils ne sont pas anodins, le nombre de victimes ou le mode opératoire de l'attentat ne sont pas les éléments qui déclenchent le plus de réactions ; mais bien l'identification aux victimes. C'est la raison pour laquelle les forces de l'ordre ont été par exemple particulièrement marquées par l'attentat à Magnanville en 2016 qui a ciblé deux policiers ; là où cet attentat n'est pas celui qui a le plus marqué la population française dans son ensemble.

Les réactions sont particulièrement vives lorsque les attaques frappent des personnes ou des lieux "sacralisés" par une société. Lorsque les attentats visent des enfants (Toulouse et Montauban en 2012), ou bien des professions qui renvoient à certaines valeurs républicaines (journalistes de Charlie Hebdo en 2015, professeurs de lycée en 2020 et 2023), les réactions de compassion dans la société sont d'autant plus fortes. 

Enfin, Gérôme Truc souligne que ces réactions sont intimement liées au traitement médiatique qui peut être fait des attaques. Selon l'intensité de la couverture médiatique, selon le vocabulaire utilisé (parle-t-on d'attentat terroriste, d'attaque, d'assassinat ?), on pourra assister à une adaptation des réactions dans la société.

Les quartiers populaires au lendemain des attentats

Enfin, Gérôme Truc a exposé quelques éléments de l'enquête qu'il a menée à Grigny aux côtés de Fabien Truong et disponible dans leur dernier ouvrage Grands ensemble, violence, solidarité et ressentiment dans les quartiers populaires. Les deux sociologues ont analysé les réactions des habitants de la ville suite aux attentats de Charlie Hebdo et de l'Hypercacher en 2015. Loin de certains discours dénonçant parfois l'apathie des quartiers populaires, Gérôme Truc indique que les réactions de solidarité et de compassion ont été rapides et vives dans ces quartiers. Les auteurs ont observé des rassemblements, des actions spontanées montrant que dans ces quartiers aussi les habitants ont été marqués par ces attaques. Il ajoute que pour le cas de la ville de Grigny, la suspicion et la stigmatisation ont rapidement suivi les attaques puisque le tueur de l'Hypercacher était originaire de la ville. Une double-peine en somme : l'émotion suscitée par des attentats d'une violence inédite, et le sentiment de devoir impérativement se désolidariser d'auteurs avec lesquels ils n'ont pourtant jamais manifesté de lien de solidarité.

Vous pouvez retrouver l'intégralité de l'intervention de Gérôme Truc ci-dessous :

Conférence Gérôme TRUC "2015-2025 : quels impacts des attentats sur la société ?"