Le film suit le parcours de Jessica, une jeune Française qui part en Syrie pour rejoindre l'Etat Islamique (EI). On découvre les raisons qui la poussent à partir, entre le sentiment d'être rejetée chez elle et une idéalisation de ce qu'est l'Etat Islamique. On la suit ensuite lors de son arrivée à Raqqa, fief de Daech en Syrie. Le film met alors en lumière le fonctionnement des "maisons des femmes" (madafa), ces lieux qui accueillent des femmes de toute nationalité venue rejoindre ce qu'elles appellent "le califat". On découvre alors l'emprise que certaines femmes ont sur les nouvelles arrivantes auxquelles on explique qu'elles devront se marier et obéïr à des combattants de l'EI.
Le film est construit autour de deux personnages clefs : tout d'abord, Jessica, jouée par Megan Northam. On suit l'endoctrinement qu'elle a subi jusqu'à son arrivée à Raqqa, puis sa désillusion face à ce qu'est vraiment l'Etat Islamique. Après l'embrigadement, Jessica subit l'emprise morale et physique de celle qui dirige les maisons des femmes à Raqqa et que toutes appellent "Madame" dans le film. C'est le second personnage clef, joué par Lubna Azabal. Ce rôle est largement inspiré par la personne de Faitha Mejjati appelée aussi Oum Adam : cette Marocaine a été mariée à Abdelkrim Mejjati, fondateur de la filiale d’al-Qaïda au Maghreb et en Europe et cerveau des attaques de Madrid en 2004 et de Casablanca en 2003. Après la mort de son mari dans une opération anti-terroriste, elle rejoint Raqqa en Syrie. Elle prend alors de l'importance et se voit attribuer le rare titre d'"amira", la version féminine de l'émir de Daech. Au sein de l'organisation terroriste, elle s'occupe alors du recrutement et du contrôle des femmes nouvelles arrivantes dans le califat. La relation entre ces deux personnages est au coeur du film. Tandis que "Madame" contrôle la maison des femmes d'une main de fer, Jessica passe doucement du statut de victime à celui de tortionnaire. On découvre alors une relation perverse, faite de domination, de cruauté et d'emprise pyshique et morale.
Ce film propose donc une plongée dans les mécanismes de l'embrigadement des femmes qui sont parties rejoindre Daech. Largement inspiré de faits réels, il propose également un éclairage sur le fonctionnement peu connu d'une madafa et sur l'emprise que des femmes peuvent exercer sur d'autres femmes.
Pour aller plus loin sur ce sujet :
- La bande-annonce de "Rabia".
- Une interview des deux actrices principales et de la réalisatrice, proposée par France 24.
- Une série documentaire de France 24, "Les soeurs, les femmes cachées du jihad", qui revient sur le recrutement et l'embrigadement des femmes par l'Etat Islamique.
- Dans les autres oeuvres traitant de la radicalisation islamiste au féminin, on pourra penser au film Le Ciel attendra de Marie-Castille Mention-Schaar ou bien à la série suédoise Kalifat de Wilhelm Behrman et Niklas Rockström, qui permet de suivre des femmes à différentes étapes du processus de radicalisation. On peut aussi penser au film Rebel de Adil El Arbi et Bilall Fallah qui traite aussi avec beaucoup de justesse du processus d'embrigadement bien qu'il s'agisse ici d'un personnage masculin.