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Emeutes au Royaume-Uni - Quelques ressources pour comprendre

Depuis le lundi 29 juillet, les émeutes se multiplient au Royaume-Uni, sur fond de fake-news et d'une mobilisation importante de groupuscules de l'ultra-droite.

Le lundi 29 juillet, un adolescent de 17 ans s'en est pris à un cours de danse à Southport, ville située au Nord de Liverpool. Trois petites filles ont été assassinées et dix autres personnes, dont huit jeunes filles, ont été blessées. Depuis, plusieurs villes du Royaume-Uni ont été touchées par des émeutes xénophobes qui ont été largement favorisées par le partage de fausses informations sur les réseaux sociaux. Le CRPRS vous donne ici quelques ressources vers lesquelles se tourner pour comprendre ce qu'il se passe au Royaume-Uni et l'impact de la désinformation en ligne.

L'ultra-droite, moteur des emeutes

Bien que le mobile de cet assassinat ne soit pas encore clair, des groupuscules d'ultra-droite se sont rapidement saisis de l'événement pour manifester leurs idéaux opposés à l'islam et à l'immigration. L'English Defence League (EDL) est un groupe qui a été fondé en 2009 par Tommy Robinson et qui comptait à son apogée 25 000 activistes. Il s'agit d'un groupe identitaire, caractérisé par un rejet de l'islam, un patriotisme exacerbé, et qui a régulièrement mené des actions violentes dans le pays. En déclin depuis 2012, ses sympathisants ont parfois intégré d'autres groupuscules, parfois très actifs sur les réseaux sociaux. Cet article du Monde donne un regard sur l'histoire et les caractéristiques de l'EDL. C'est une ultra-droite qui pointe du doigt l'arrivée de migrants par la Manche, s'inquiète de la religion musulmane et qui met en avant un discours identitaire comme le prouvent les slogans scandés pendant ces émeutes : "Anglais jusqu'à la mort" ; "Nous voulons récupérer notre pays". Elle a également des liens avec certaines formes de hooliganisme ou encore avec des groupes masculinistes, en témoignent l'implication de figures comme Andrew Tate.

Réseaux sociaux et désinformation, la diffusion de la haine en ligne

L'une des caractéristiques marquantes de ces émeutes concerne l'impact de la désinformation en ligne. A la suite de l'assassinant des trois fillettes, de fausses informations ont très rapidement circulé déclarant que le suspect était un demandeur d'asile musulman arrivé au Royaume-Uni en 2023. Les groupes d'ultra-droite ont rapidement relayé cette information qui n'était pas vérifiée, ce qui a déclenché les premières violences à l'encontre de mosquées et de centres d'accueil de demandeurs d'asile. A tel point que la police britannique a révélé l'identité de l'assaillant pour mettre fin aux rumeurs. Cela n'a pas permis de mettre un terme aux violences. Il est ici très intéressant de noter la vitesse de propagation de la désinformation et sa résilience face à des démentis officiels. Le réseau social TikTok et les canaux de discussion Télégram sont particulièrement concernés. A la suite des fausses informations sur l'identité de l'assaillant, d'autres rumeurs non vérifiées ont circulé sur l'ouverture de centres de demandeurs d'asile ou sur des manifestations pro-immigration, comme l'explique cet article du MondeLes réseaux sociaux ont donc un pouvoir de mobilisation considérable : à travers le partage d'informations par des figures parfois très suivies, ils alimentent des discours de haine, et permettent également à des groupuscules de s'organiser en ligne.

La vérification des informations ("fact-checking" en anglais) est donc essentielle suite à ce type d'événement traumatique. Cependant, encourager le fact-checking n'est pas suffisant : en ligne, lorsqu'une fake news se retrouve démentie, elle est très rapidement remplacée par une nouvelle. Il conviendrait donc d'identifier le public qui peut être soumis à l'influence de ces contenus trompeurs. Apprendre à ce public - parfois très jeune et donc perméable aux contenus sur les réseaux - à s'informer, l'amener à s'interroger sur ses sources d'information, lui insuffler le goût du doute ; voilà des pistes qui pourraient contrer la diffusion de la haine en ligne. Des pistes qu'aborde Richard Fern dans un article de réflexion intéressant.

Ces émeutes se caractérisent par ailleurs par la participation d'un nombre important de personnes de quarante, cinquante ou soixante ans. Comme l'explique Sara Wilford, ce sont des individus qui peuvent se sentir invisibilisés (par exemple peu présents dans les publicités télévisées) et qui développent parfois un ressentiment vis-à-vis d'une jeunesse et de mutations sociales qu'ils ne comprennent pas. Ce type d'événement devient alors l'occasion pour eux d'exprimer une colère qui va au-delà de l'attaque du 29 juillet, et qui recouvre en réalité des inquiétudes économiques et sociétales. A cela s'ajoute le fait que ces inividus sont particulièrement vulnérables à la désinformation en ligne : "Les gens entre 40 et 65 ans ne sont pas nés avec Internet, mais ils sont sur Internet. Surtout, ils connaissent moins les dangers de la désinformation en ligne que les plus jeunes". Si de nombreuses initiatives existent sur l'éducation à l'information en ligne pour les jeunes, il pourrait donc être pertinent que ces initiatives soient élargies à d'autres tranches d'âge de la population.

Quelques ressources pour aller plus loin :

  • L'émission d'Arte, 28 minutes, a proposé un débat sur la propagation de ces émeutes au Royaume-Uni.
  • Bruno Patino, Président d'Arte et ancien doyen de l'école de journalisme de Sciences Po, donne dans cet article quelques pistes sur la façon de s'informer à l'heure des réseaux sociaux.
  • Un guide des bons réflexes à avoir pour décrypter l'information, notamment en ligne.
  • Deux sites de vérification des informations vues en ligne : Factuel proposé par l'AFP pour du contenu en français ; Data Base Known Fakes pour du contenu en plusieurs langues.
  • Smidge, un projet de recherche européen qui a pour objectif d'étudier l'extrémisme et la radicalisation chez des adultes d'âge moyen (entre 45 et 65 ans), notamment à travers l'influence des réseaux sociaux.
Publié le 08 août 2024