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Séminaire sur la radicalisation organisée par l'ENPJJ

Cette synthèse fait suite au séminaire de recherche "La radicalisation : individualisation et dépolitisation d'une notion" organisé par l'ENPJJ. 

Cette synthèse fait suite au séminaire de recherche "La radicalisation : individualisation et dépolitisation d'une notion" organisé par l’Ecole Nationale de Protection Judiciaire de la Jeunesse. Caroline Guibet Lafaye, directrice de recherche au CNRS, et Ami-Jacques Rapin, docteur en sciences politiques de l’Université de Lausanne, y sont intervenus.

Tous deux proposent un éclairage sur la notion de « radicalisation ». Pour cela, ils ont analysé l’évolution de son usage dans le journal le Monde depuis 1944, grâce à un outil de traitement automatisé du langage, le logiciel Mallet.

Depuis, 1944, le terme « radicalisation » est utilisé autour de quatre univers à travers lesquels le concept évolue :

  • L’espace des jeux politiques institutionnels : dans les années 1950, le terme est utilisé sur le plan international afin de désigner un processus électoral, le durcissement d’une position politique ou diplomatique. Progressivement, on fait référence à des idées qui s’affrontent dans un même champ politique. C’est à la suite des élections présidentielles et la victoire de François Mitterrand en 1981 que le terme de radicalisation est davantage utilisé dans la sphère politique institutionnelle. Dès les années 1980, la radicalisation commence à désigner les dérives des discours de droite et d’extrême droite.
  • La radicalisation des mouvements sociaux : c’est à partir des années 1960 que le terme de radicalisation est associé à la jeunesse et aux mouvements sociaux. Le terme est utilisé pour évoquer l’agitation étudiante que l’on retrouve à l’international mais aussi en mai 68 en France. En 2000, le terme est progressivement associé aux débats que l’on retrouve au sein de la gauche comme à l’occasion des mouvements de l’opposition à la réforme des retraites par exemple.
  • Islam et radicalisation : c’est en 1979 que l’on associe directement la radicalisation à l’Islam. En 1988, la première définition du radicalisme islamiste est proposée. Selon les spécialistes : « l’islamisme radical (..) c’est l’idée selon laquelle les islamistes radicaux rejettent la possibilité d’émergence d’un espace politique autonome en terre d’islam, et mobilisent les principes religieux en faveur d’un projet politique de résistance à l’influence pernicieuse des valeurs occidentales ».
  • Radicalisation et terrorisme : c’est à partir des années 2000 que l’on commence à associer la radicalisation au terrorisme. Jusqu’en 2004, la radicalisation désigne le durcissement de la lutte d’un groupe armé. Progressivement, le terme désigne un processus entrainant un individu ou un groupe d’individus dans un passage à l’acte.  

Caroline Guibet Lafaye et Ami-Jacques Rapin constatent que le terme de radicalisation est de plus en plus focalisé sur l’individu et son passage à l’acte et ne se réfère plus à un phénomène collectif. C’est en 2014 où cela devient flagrant, à partir du moment où le volet préventif est introduit dans la notion de radicalisation.

Deux problèmes sont soulevés par les spécialistes :

  • Lorsque l’on commence à parler en 2008 d’une personne « en voie de radicalisation », comment peut-on savoir à quel moment l’individu se radicalise ?
  • Concernant la définition même de la radicalisation, qui sont les personnes radicalisées ? Quel lien existe-t-il entre religiosité et radicalité ?

Selon les spécialistes, l’individualisation de la notion a vidé la notion de sa substance. Selon eux : « dans son acceptation exclusivement orientée sur les trajectoires individuelles assumant la violence, il ne saurait être question d’un durcissement ou un raidissement d’une ligne politique, pour la simple raison que les lignes politiques se situent au niveau de l’action collective et non pas de l’action individuelle ».

Pour retrouver la recherche de Caroline Guibet Lafaye : 

pdc_008_0127_2.pdf

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Publié le 18 mars 2022