Sensibiliser les acteurs de la justice

La Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) est depuis longtemps engagée dans la politique de prévention de la radicalisation. Elle agit en effet à la fois sur le champ judiciaire, sur le champ de l'insertion socio-professionnelle des individus qu'elle accompagne et sur le champ de la protection de l'enfance. L'outillage de ces professionnels sur la compréhension des phénomènes de radicalisation et de leur prévention est donc crucial. Ceux-ci peuvent compter depuis 2015 sur les RLC (Référents Laïcité et Citoyenneté), qui ont pour mission, dans chaque direction territoriale, de piloter les orientations en matière de laïcité, de promotion des valeurs de la République et de prévention de la radicalisation. A ce titre, les RLC sont des interlocuteurs clés de toutes les institutions oeuvrant à la prévention de la radicalisation et participent notamment aux cellules de prévention de la radicalisation et d'accompagnement des familles (CPRAF).

Les agents de la Direction de l'administration pénitentiaire (DAP) sont eux aussi largement impliqués dans la prévention de la radicalisation, notamment dans le champ de la prévention tertiaire (désengagement et prévention de la récidive).

Un séminaire à l'ENPJJ

La Direction Interrégionale Grand Nord de la PJJ, en partenariat avec la Direction Interrégionale des Services Pénitentiaires (DISP) a organisé un séminaire consacré aux radicalités rencontrées chez les publics pris en charge au sein du ministère de la Justice. L'occasion de réunir les agents de la PJJ et de la DISP et de mettre à jour leurs connaissances quant aux formes que prennent les radicalités chez les mineurs et majeurs repérés pour risque de radicalisation violente. Ce séminaire a eu lieu à l'Ecole Nationale de la Protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) et a rassemblé des agents de la PJJ, de la DAP ainsi que des magistrats et des assistants spécialisés en lutte contre la radicalisation et prévention des actes terroristes (ASPAT) venus se former sur ces questions.

Les participants ont pu bénéficier d'apports sur la procédure pénale antiterroriste (avec le PNAT), ou encore sur la place des émotions et des troubles psychiatriques dans les processus de radicalisation (avec Chloé Lala-Guyard). Ils ont également pu échanger avec une médiatrice du fait religieux (MFR), un rôle déterminant pour l'accompagnement et le suivi des détenus repérés pour radicalisation.

Le CRPRS est intervenu sur la place que peut occuper l'espace numérique et les réseaux sociaux dans les phénomènes de radicalisation. Une présentation à deux voix aux côtés de Laurence Bindner, co-fondatrice de JOS Project et spécialiste de la propagande extrémiste et des discours radicaux en ligne. Elle est d'abord revenue sur les mutations et l'adaptation de la propagande jihadiste en ligne, ainsi que sur les narratifs utilisés par cette mouvance mais aussi par les mouvances d'ultra-droite et identitaires. Le CRPRS a ensuite présenté la montée des mouvances masculinistes en ligne et certaines caractéristiques du mouvement "incel" sur l'espace numérique. Enfin, quelques pistes de réflexion sur les moyens de régulation et les outils de prévention ont été mises en avant afin d'outiller les professionnels sur ces sujets.

La dernière séquence de cette formation a donné la parole à Xavier Crettiez et à Nicolas Lebourg pour un temps d'analyse croisée des profils et trajectoires des individus mis en cause pour radicalisation à caractère jihadiste d'une part, et liés aux mouvances de l'ultra-droite d'autre part. Cette séquence animée par Antoine Grande, RLC à la DIRPJJ Grand Nord, a permis de mettre en avant les similitudes des parcours de radicalisation entre mouvances jihadiste et d'ultra-droite ; mais aussi les spécificités propres à chaque mouvance.

Formation à l'établissement pénitentiaire pour mineurs de Quiévrechain

Ce partenariat entre la PJJ, la DAP et le CRPRS se poursuit aussi directement au sein des structures concernées. Ainsi, le CRPRS a pu intervenir pour 2 jours de formation auprès des professionnels exerçant à l'établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) de Quiévrechain. Celui-ci est placé sous le contrôle de l'administration pénitentiaire et les agents de la PJJ y interviennent dans le cadre du service éducatif pour les mineurs (SEEPM). Une trentaine de participants, principalement des éducateurs, ont pu suivre cette formation.

Les établissements pénitentaires pour mineurs prennent en charge des mineurs agés de 13 à 18 ans, prévenus ou condamnés par la justice, en combinant un suivi judiciaire et des actions socio-éducatives visant la réinsertion sociale et professionnelle. Ces agents ont été très investis dans cette formation, se sentant éminemment concernés par la prévention de toute forme de radicalités sociales. Leur bonne compréhension des phénomènes de radicalisation, leur capacité à repérer des indicateurs de basculement et à connaître les procédures de signalement sont essentielles pour assurer une prévention efficace. Cela est d'autant plus vrai avec le rajeunissement de plus en plus marqué des individus mis en cause pour radicalisation terroriste : le phénomène concerne en effet de plus en plus de mineurs (O. Christen, PNAT).

Le CRPRS a donc pu présenter à ces professionnels l'état de la connaissance sur les phénomènes de radicalisation et sur les mouvances qui existent à l'heure actuelle ainsi que sur les indicateurs qui peuvent manifester un basculement dans un processus de radicalisation. Par la suite, Rémi Ormeray, éducateur dans l'équipe mobile de prévention de la radicalisation de l'association Itinéraires a présenté son travail et la manière dont son équipe accompagne les jeunes qu'elle suit. Cela a permis aux éducateurs de l'EPM de s'inspirer de pratiques existantes. Enfin, les participants ont pu s'exercer en sous-groupes via des mises en situation. L'objectif était d'analyser collectivement une situation qu'ils pourraient rencontrer dans leurs fonctions et de s'interroger sur la posture à adopter. A travers de nombreux échanges, ce travail leur a permis de voir les vulnérabilités qui peuvent conduire des jeunes à s'engager dans des processus violents et la façon dont il est possible de travailler sur ces vulnérabilités.