La question de la gestion du fait religieux dans la pratique sportive revient régulièrement sur le devant de la scène politico-médiatique. C'est la raison pour laquelle le collectif "Ensemble, on fait quoi ?" [1], a organisé cette conférence pour traiter des liens entre pratique sportive et radicalisation. Gianni Marasà [2], chercheur associé au laboratoire Sherpas de l'Université d'Artois est venu s'exprimer sur le sujet devant une soixantaine de personnes.
Pas de lien avéré entre pratique sportive et radicalisation
Gianni Marasà a d'abord rappelé que le processus de radicalisation passe par un changement d'identité sociale, ce qui induit un changement dans les valeurs auxquelles un individu adhère ou non. Or, d'après le chercheur, la plupart des clubs de sport sont de simples "lieux de passage". Les individus qui les fréquentent n'y créent la plupart du temps que des liens de faible intensité et les valeurs du club - qu'elles soient positives (ouverture, mixité, tolérance), ou négatives (violence, séparatisme, mépris) - ne sont donc pas nécessairement transmises aux individus.
Le chercheur propose donc une catégorisation des clubs sportifs face à la radicalisation en forme de toupie : il y aurait très peu de clubs propices à la radicalisation, très peu de clubs luttant consciemment et efficacement contre la radicalisation, et la plupart seraient donc de simples lieux de passage, qui ni ne promeuvent, ni ne luttent contre la radicalisation. Gianni Marasà ajoute que pour le personnel de la plupart des clubs sportifs, la question de la radicalisation ne se pose pas vraiment, ne s'observe pas dans les faits, quand bien même ces derniers peuvent être sensibilisés à la thématique.
Le chercheur a par ailleurs présenté quelques conclusions du projet SPORAD mené en 2022 par l'IHEMI, qui n'identifie pas de lien avéré entre pratique sportive et radicalisation :
- En effet, sur 100 000 clubs observés, seuls 17 sont concernés par la question de la radicalisation. La question des violences sexistes et sexuelles est par exemple bien plus représentée que celle de la radicalisation ;
- 7% des individus qui ont une trajectoire radicale ont une implication sportive forte, ce qui signifie que les individus radicalisés sont en fait moins représentés dans le sport que ne l'est la population globale ;
- Les individus radicalisés dans le sport ont une pratique sportive hétérodoxe : ils ne passent pas par des clubs reconnus et bien établis mais plutôt par des pratiques hors du système classique.
Processus de radicalisation à travers le football ou les sports de combat
Les pratiques sportives de combat (boxe, MMA) et de football sont souvent pointées du doigt comme propices aux processus de radicalisation et ce aussi bien pour la mouvance jihadiste que pour la mouvance d'ultra-droite. Bien qu'il existe des cas avérés dans ces sports, Gianni Marasà a expliqué qu'il y a là un biais statistique. En effet, ces sports "recrutent les mêmes publics que les mouvances radicales". Autrement dit, les profils sociologiques des publics que l'on retrouve dans ces sports sont similaires à ceux que l'on retrouve chez des individus s'étant radicalisés : il s'agit souvent d'hommes, dans des situations de précarité socio-économique, souvent issus de quartiers populaires. Par conséquent, il est logique de retrouver statistiquement des individus radicalisés dans ces sports en particulier, mais cela ne veut pas dire que l'on peut incriminer ces pratiques sportives en tant que telles.
Enfin, Gianni Marasà a montré que pour les rares cas avérés de radicalisation par le sport, il s'agit d'individus présentant différentes vulnérabilités. Les parcours de vie de ces individus sont communs à ceux d'autres individus s'étant radicalisés, et leur processus de radicalisation auraient donc pu passer par d'autres canaux que le sport.
Le replay de la conférence dans son intégralité sera prochainement disponible sur cette page.